Chalet n°4

La chance. Y a même des biches qui minaudent, avec leur truffe humide et leurs yeux énormes où, finalement, les cils sont moins longs que ce que le Di imaginait. Les mirettes tombent au bout des baskets mouillées, la polaire trop serrée, trop pelucheuse, de son père lui gratte le cou et il n’a pas trouvé un mot à décrocher, absorbé, comme dans un songe, par les flocons hurlants du dehors. Briser la glace. C’est pas son truc.

Les phalanges mauves d'engelures à venir se cachent contre la couture des poches du jeans, là, le relief du métal familier le rassure, calme la légère nervosité qui embrasse les molaires, scellent les lèvres. Le triple vitrage des carreaux le rassure, peut-être que y a une cheminée, et ça serait un peu comme dans ces films de merde, avec un paquet de chamallows et des histoires glauques à se dire. Évidemment, le claquement raidit ses épaules, et ça le fait sourire, avec sarcasme, d’avoir eu le temps de leur porter la poisse juste en y pensant. Il racle la gorge, ça fait mal, c’est les cadavres fleuris qui font ça, et brise le mutisme en braquant la torche du téléphone sur le sol, pour ne pas éblouir.

...Doit y avoir des bougies, dans les tiroirs. Je regarde. En attendant de mettre la main sur le compteur.

A tâtons, les doigts collent près des murs, le relief des lattes noueuses et l’odeur de la menuiserie entêtante, Gero, l’habitude, il tire les tiroirs des commodes, des cierges y en à toujours chez lui, ça doit être pareil ici.

Les lippes étirent un sourire invisible, enveloppé dans l’obscurité, Gero, il est drôle, l’infirme, même ce serait un peu familier de rire tout fort. Plus tard, peut-être, quand Alfie, aura ouvert toutes les portes, secoué l’espace avec sa voix solaire, lorsque lui enroule les doigts dans les cerceaux de fer, tire le bois, rien. Le flash agressif brûle et il les cils brassent comme des ailes, Geronimo, ça tombe comme les bras le long du corps et la semelle s’écrase plus loin sur les lattes. Il est bien tombé le Di, un sacré veinard, même s'il ne sait pas bien s’il a fait un truc pour mériter le chalet et les copains tirés au sort.

Ouais. J’peux regarder.

Sauf qu’il en a pas très envie, Gero, de mettre les pieds dans le mètre de neige, avoir des siphons de glace sur les tempes et les pieds qui s'empalent dans le verglas. Seulement, il veut pas passer pour une mauviette, alors il dit oui, mécanique, quand le courant se rétablit dans un cliquetis de verre. Soupire. C’est mieux. Les visages retrouvent leurs couleurs  et l’encadrement de la cheminée fait de l’oeil, faut pas rater sa chance, c’est la première fois qu’il en voit une. Les lèvres enroulent un sourire. De la cage du tiroir, le Di extirpe une boîte d’allume-feu à demi-entamée, la petite vignette du logo carmillon est joli, avant de marcher un peu traînant pour casser les genoux au-dessus de la marche de granit. Avec le doigt, il essuie la suit noir des restes, c’est bien, ça a fonctionné une fois, y a pas si longtemps.

Ca doit être plus sympa que les feux dans les bennes. murmure, à lui-même, avant de craquer la plastique, poser le zippo, attendre, hésitant sur le mode d’emploi, et les mirettes reviennent sur le duo chercher de l’aide. Faut juste foutre des bûches ? ça a pas l’air compliqué. Il en sait rien.

La tête penchée ressemble à celle des clébards quand il veulent comprendre, les yeux se transforment en croissants de lune rieur, c’est sûrement mieux de prendre comme pour de l’humour, Alfie, il a l’air d’être amateur de ces vannes qu’on glisse à l’oreille, à la portée de n’importe qui. Il est un peu envieux forcément, lui, il lui faut toujours quelques secondes pour trouver le bon mots, et forcément quelques secondes, après c’est trop tard. Le nez bascule au parquet, il voit même pas ses pieds, pour articuler avec une voix où on entend le sourire Aucune idée. Ca à l’air mignon comme truc. Un poussin qui pleure. Il a que des chats, Gero, alors les oisillons en général, ils sont raides sur le rebord de la fenêtre et la nuque disloquée, c’est crade, il préfère se concentrer sur la cheminée, les histoires glauques c’est mieux quand c’est inventé.

Les mirettes glissent sur le mec et sa canne, qu’il a pas l’air enchanté, et Gero, vraiment, il espère qu’il l’a pas mis mal à l’aise, dans le doute, la langue vient coller le palais quand il hoche la tête avec lenteur.

Tu veux que je pousse le fauteuil Slam ? Comme ça tu supervises. T’es le chef des opérations. Il attend par la réponse, à deux mains, il presse le fauteuil plus prêt de l’âtre et tasse la taie des coussins avec le plat de la main, y a pas de poussière qui sort, c’est déjà ça de gagner. Dans la panier d’osier y a un certain nombre de bûches, Geronimo, sort le couteau suisse, celui avec la lame pas émoussée parce qu’il a gardé l’aiguiseur de sa formation de cuistot et commence à détacher l’écorce en petit morceaux, patiemment, c’est le genre de moment où on se coupe, et il a même pas cherché s’il y avait un trousse de premier secours, autant faire gaffe.

Alfie, il veut bien faire un feu, mais il a deux temps d’avance, les jaquettes de film dans les doigts, ça doit être un gars prévoyant, le genre qui rate jamais ses dates et qui laisse pas les blancs acculer les conversations. Ouais. Ça doit être un type un peu comme ça. Geronimo regroupe le monticule d’écorces avec les deux mains, faudra les laver après, sinon il va se foutre du charbon partout et ramoneur, c’est joli comme métier mais c’est vraiment dégueulasse. Pourquoi pas. T’as repéré une télé ?  Les doigts empoignent la volée d’instruments en métal suspendu au bout d’une penderie miniature derrière les bûches et le Di chope le truc qui ressemble à ce qu’on utilise pour gonfler les piscines miniatures l’été, faut appuyer avec les pieds ou les mains, dans le doute, ça va traîner sur le rebord le temps qu’Alfie le rejoigne, avec ses mauvais présages, que ça le fait marrer Geronimo, d’entendre la mauvais sort presque invoqué, comme si du fond du coeur, le gars il attendait que ça, un peu de piment saveur désastre. J’ai un pote il est maçon. Un fois il a dit, si les murs porteurs sonnent creux, traîne pas. Geronimo fait chuinter la pierre et l’étincelle embrase l’allume-feu violemment, avant de le jeter dans le reste, et de sucer ses doigts brûlés, regrette amèrement parce que le charbon ça a un goût infect en plus de pas être référencé comme du maquillage. Chef ? Faut mettre les bûches maintenant ou faut attendre ?