un nuage entre les lèvres, ce n'est pas la cigarette entre tes doigts qui tâche la nuit noire mais le froid qui s'échappe de ton corps trop chaud. emmitouflé dans une écharpe que tu ne voudrais jamais enlever, le froid dont tu t'es fait l'ennemi te frappe inlassablement les joues qu'il fait rougir, ses doigts furieux contre la peau diaphane, il te fait comprendre que c'est l'heure de rentrer.
c'est que la pluie se sent encore dans l'air, que l'orage menace d'éclater, à te faire fuir, à t'intimer de rentrer mais les petites heures de la nuit ne sont pas encore finies, le soleil rechigne à se lever, c'est trop difficile quand les airs sont glacés, et la lune sourit patiemment à l'attente de son astre favori ((celui qu'elle fuit)).

tu cours toi aussi les rues, elles claquent sous tes pieds usés, le goudron qui n'a plus aucun secret, celui que tu parcours à l'aide de la bicyclette empruntée à un collège, je reviens avais-tu annoncé avec plaisir, avec entrain, je te la rendrais sans vraiment savoir si c'était vrai. la confiance que l'on accorde aux anges est souvent trompée par les démons insouciants.
qu'il te fouette à nouveau le bout du nez, l'air froid du matin peu pressé, de la nuit fatiguée, et l'air marin qui te rafraichit, bien son endroit, bien son envie, perry quelque part, perry devant qui tu freines, perry qui n'est peut-être pas elle, qui sait ?

« platypus » les freins grincent, tu réveilles les étoiles qui s'étaient assoupies, qui commencent à se couvrir d'une épaisse couette noire, « c'était loin, ton histoire. » déraciné, dépaysé, « t'es une romantique, c'est ça ? » rendez-vous que tu avais donné, amusé, tes doigts sur le bob que tu retires, pour l'ennuyer, l'entendre vociférer que tu dois lui rendre, les insultes glissantes entre les dents de la vipère, venimeuse.
« pour la pluie. il est beau. je peux ? » elle ne dira jamais oui, il était déjà à la cime de ton crâne.

le bob volé est rapidement récupéré dans des râles mérites. ce n'est pas le tien et il ne sera jamais à toi, voilà ce qu'elle veut te faire comprendre, mais toi, tu n'es pas d'accord. tu ne te bats pas encore mais peut-être qu'elle repartira sans. c'est le sourire taquin alors que tu t'accoudes au guidon de la bicyclette empruntée ((volée)), le bruit du briquet dans l'air mouillé et la cigarette fine qui peine à s'allumer. fumée salvatrice qui répond à la question de la journaliste. déformation professionnelle.

« Moi, je trouve que t'es un peu trop stressée, Perry. On profite de la vue, c'est beau le port, la ville éclairée ! » souvent à se moquer des gens, la fumée qui alourdit la langue. « Et plus sérieusement. J'ai pas de thunes. J'ai besoin de trouver des médocs. » sans grande cérémonie.

elle connaît quelqu'un qu'elle dit, l'air un peu ailleurs, un peu interdite. ça te fait rire, la fumée entre les dents qui se mêle à la buée. elle connaît quelqu'un peut-être comme si elle n'était pas certaine de ce qu'elle allait dire. mais tu connais perry et elle ne dit pas les choses si elle ne les sait pas.

patient en attendant qu'elle finisse sa phrase, qu'elle fasse ses preuves, un prénom et une adresse que tu t'empresses de noter sur ton portable, mais rien de plus. « Sérieux ? que ça ? » une moue sur ton visage, un peu déçu peut-être. « tu veux quelque chose en échange de l'info ? » et tu tends le paquet de vogue à la belle, au moins ça. « tu les prends toi, ces médocs ? » question indiscrète ((mais tu peux te la permettre)).

le rire léger qui frise le coin de tes lippes alors qu'elles brûlent, se consument, et le paquet qu'habilement tu ranges dans le creux de ta veste, un haussement de l'épaule pour lui faire comprendre tu ne sais pas ce que tu rates et la fumée que tu souffles au loin pour ne pas la déranger, la vogue que tu écrases le dos du guidon et le mégot que tu gardes dans une petite boîte, que tu ranges tout aussi précieusement, « tu sais, le résultat est le même » la mort qui ronge les poumons, qui attend dans l'ombres ((autant le faire avec style)).

on sait jamais, elle a raison oui, on ne sait jamais. tu n'en a pas vraiment besoin, toi non plus, tout va bien, le coeur qui bat, l'amour qui file. « j'crois pas... » courte réflexion, « je crois que j'ai un peu peur. j'ai déjà quelqu'un... imagine il part ? » sans vraiment t'épancher, sans paraître affolé, simple possibilité, « j'ai pas envie de crever de suite, alors, j'me dis... si ça peut aider. je dois pas le prendre souvent, de ce que j'ai compris, moi ça va je suis le moins en danger. » les épaules qui se haussent et l'envie dérangeante d'en rallumer une. « mais t'es pas amoureuse toi, platypus, hein ? ça craint, pour toi, alors... » tu soupirs ((maladie de merde)).

elle espère pour toi que tu réussiras à trouver ces maudits cachets que tu n'as pas envie de prendre, que tu voudrais écraser contre le sol, que tu voudrais faire disparaître. il est fou de penser qu'un moyen de soigner peut être aussi effrayant, mais les choses sont étranges par ici, peut-être que ces cachets sont pas les plus aptes à vous soigner, à vous faire changer. peut-être que tout sera pire, peut-être que vous allez mourir ((ne pas y penser)).

« peut-être parce qu'ils sont tous amoureux de toi, en fait » le rire léger qui se perd dans les bateaux sonnant l'alarme de départ, le bruit assourdissant qui fait trembler les coeurs, «
toi ? prévoyante ? incroyable » pour l'embêter, la taquiner, « 'fin, je les comprends, t'es quand même belle platypus, parfois » à nouveau le rire léger, « je te ramène à la voiture ? » que tu demandes en montrant ton vélo ((volé)), « tu peux monter à l'arrière, sur le porte bagage si tu veux. » si elle ose, pour la remercier des renseignements.