Affronter ses peurs pour laisser fleurir l'avenir [PV Malak Da Silva]

L'annonce de la mise en circulation de médicaments censés prémunir ou même guérir de la maladie n'avait laissé personne indifférent. Que l'on soit convaincu ou sceptique à ce sujet, les commentaires avaient envahi les réseaux sociaux, se superposant même aux spots municipaux. Au final, la stratégie de communication s'était révélée payante et nul au sein d'Auckland n'avait échappé à la nouvelle. La conscience fébrile, le japonais avait pris la direction de l'hôpital ce matin, prenant soin de ne mettre son masque qu'une fois sorti de l'appartement. Il refusait que ses colocataires apprennent pour son état et la seule présence du masque, se balançant négligemment autour de son poignet aurait suffi à provoquer une avalanche de questions. Pas même ses origines auraient suffi à expliquer le port du masque et Naoki voulait s'épargner pareille situation. Pourtant, à l'approche de l'édifice médical, les doutes refirent surface. Et si toute cette histoire de médicaments miraculeux n'étaient qu'une supercherie ? Un moyen de recenser le nombre réel de malades ? De les ficher et peut-être même de les transformer en cobayes au nom de la science ? Charlie le premier n'avait pas semblé convaincu par l'annonce mais on parlait de Charlie.

Ravalant à grand peine ses appréhensions, le japonais se décida à franchir les portes de l'hôpital. Malgré le port du masque, il fut assailli par les odeurs propres au lieu, elles-même recouvertes par celle du désinfectant. Après s'être présenté à l'accueil, on le conduisit dans une petite salle d'auscultation où l'on lui demanda d'attendre la venue du médecin. Et comme tout bon hôpital qui se respecte, l'attente s'installa. Éternelle et propice à l'apparition de craintes, infondées ou non. Son imagination, échauffée par l'univers des jeux vidéos, élaborait déjà tout un complot médical. Du coin de l’œil, Naoki se surprit même à chercher d'éventuelles caméras de surveillance dans les angles du plafond de la pièce. Il était désormais évident qu'il n'était pas à son aise en ces lieux. Peut-être s'était-il même précipité en se rendant à l'hôpital. Que sa situation allait s'améliorer d'elle-même et qu'il n'avait pas besoin d'être ici. Sur ces mêmes pensées, le japonais prenait déjà la direction de l'unique porte de la pièce, la main tendue en direction de la poignée, quand celle-ci s'ouvrit.

« Ah, euh, bonjour. »

La surprise était réciproque, sans doute la jeune femme qui lui faisait face ne s'attendait pas le trouver si proche de la porte. Ou alors était-ce la présence du masque qui dissimulait la partie basse de son visage qui interpellait l'infirmière ? Les néo zélandais n'en avaient peut-être pas l'habitude ?

« Excusez-moi, je ne voulais pas vous surprendre. J'ai bien réfléchi et je pense que ma décision de venir ici était précipitée... Il y a certainement des personnes plus malades que moi qui ont besoin de vous alors... »

Alors quoi ? Il prenait la fuite, ni plus ni moins, son attitude trahissant sa nervosité.

Entendre son nom de famille franchir les lèvres de son interlocutrice lui permit de reprendre un peu contenance. De calmer la panique qui affolait son cœur, ne serait-ce qu'un peu. De quoi paraître davantage cohérent dans ses propos. Malheureusement pour lui, la jeune femme ne tarda pas se remettre de l'effet de surprise à son tour, l'interrogeant bientôt pour savoir si le japonais avait reçu la visite d'un médecin avant elle. Alors Naoki se lança dans ce qui lui parut être des excuses pertinentes : la précipitation de se rendre à l'hôpital, la prise de conscience et surtout les remords une fois la dédramatisation passée. Lui qui pensait naïvement obtenir gain de cause en attendrissant l'infirmière... Cette dernière n'était pas dupe et il sentit ses épaules s'affaisser quand elle mit des mots sur son inquiétude. Le calme apparent qui émanait de son interlocutrice suffit à le faire se sentir idiot.

« … Je suis venu ici pour entamer le traitement dont tout le monde parle. Je pensais que peut-être, cela fonctionnerait. Mais maintenant que je me retrouve dans cette pièce, je ne suis plus si sûr de moi. »

Ce n'était pourtant pas le lieu en lui-même qui l'angoissait. Son imagination s'était emballée, rien de plus. Jusqu'à aujourd'hui, le jeune homme n'avait jamais eu aucun mal à franchir les portes d'un hôpital, le premier établissement vers lequel on se tournait au Japon. Même s'il lui arrivait de penser à toutes ces personnes qui y perdaient la vie. Pour de bon ou non d'ailleurs. Etait-elle morte dans une pièce similaire ? Seule ou entourée ? Est-ce que les journalistes l'attendraient à sa sortie de l'hôpital ? Las, Naoki se lassa retomber sur la table d'auscultation.

« Si je vous interrogeais au sujet de la prétendue efficacité de ce médicament pour les personnes comme moi, que me répondriez-vous ? De faire confiance à la science ou d'attendre d'avoir des preuves concrètes ? »

La question était plus rhétorique qu'autre chose dans le fond. Ils savaient tous les deux ce que la jeune femme devrait répondre dans une telle situation. Tenir un discours réfractaire au médicament nouvellement introduit sur le marché n'était certainement pas autorisé. Et même si elle s'y risquait, son interlocutrice risquait de perdre son travail si cela venait à se savoir au sein de l'hôpital. Sans réellement attendre de réponse, le japonais finit par baisser son masque, résigné.

« Pardonnez-moi, je ne vais pas vous faire perdre votre temps plus longtemps. J'accepte de prendre le médicament. »

Après tout, il avait déjà accepté de mourir d'amour. Comme un châtiment amplement mérité pour l'avoir infligé lui-même. Certes, involontairement mais le mal était fait. Alors, il n'y avait rien à craindre. Ni même de redouter que le médicament ne fonctionne pas sur sa personne. C'était une solution miracle qui s'était présentée à lui, alors qu'il n'était pas encore trop tard. Nul besoin d'être convaincu pour avaler une vulgaire pilule non ? Ce n'était pas ce qui allait déterminer ou non son efficacité dans l'organisme.