callisto » I have no friends, no one to see and I am never invited

Il fallait qu'il pleuve, forcément, comme si la soirée n'était pas assez déprimante.
Il fallait qu'il pleuve, comme si le ciel lui-même voulait lui montrer, lui dire ce soir, Callie, c'est pas ton soir.
Callie est restée un peu dans le silence de sa voiture. Le toit décapotable est fermé, pour une fois, faible protection, comme pour oublier qu'il pleut dehors. Pourtant les gouttes tapent contre la vitre face à elle, les lampadaires illuminent l'averse, les traits que les nuages lancent : aucun doute. Il pleut.

Callie a le menton haut lorsqu'elle quitte l'habitacle sec et chaud de sa voiture.
Elle regretterait presque d'être venue, d'avoir quitté le confort de son appartement pour des stupidités pareilles.
Qui y croit, même, à des choses pareilles ?
rumeurs lancées au vent, peut-être même que personne ne les écoute, peut-être même que c'est elle qui en fait tout un plat, peut-être même que maman en fait tout en plat, aussi, lorsqu'elle dit qu'elle n'en a pas entendu parler qu'une fois.
Elle a essayé de se rassurer, c'est que maman est une fouine, c'est que maman écume tout internet pour trouver toutes les instances du nom de sa fille.
et de toute façon, vraiment, ce n'est pas si grave, si ?

Sous les lampadaires et les giboulées, sous la fumée d'une cigarette qui se consume au bout des lèvres et des doigts, un type, le type,
mais Callie sourit, c'est qu'on ne la verra pas sans le dos droit et le regard plein de défi,
insupportable et pédante, comme si tu n'avais pas rampé ici pour plaider ta cause - quelle cause, d'ailleurs, vraiment ? Non, pas du tout, je viens rencontrer mon plus grand fan. Main qui se tend, sourire large, mais Callie ne s'attend pas à ce qu'il la lui serre. Ce serait peut-être même mieux ainsi, d'ailleurs. Business ?

Les sourcils se lèvent un peu, signent de manière un peu exagérée la surprise, comme si la question ne lui avait jamais effleuré l'esprit,
insupportable et pédante, pourtant tu viens bien négocier, Callie, t'es bien là pour ça - mais négocier quoi, d'ailleurs, vraiment ? Je pense pas que tu aies quoique ce soit qui m'intéresse, franchement... C'est pas du business, si j'y gagne rien, moi.
 

Main en suspens, comme si tout était à l'arrêt,
sourire figé, regards qui se croisent, s'accrochent, abrasifs et meurtriers, comme convenu, aucun doigt ne vient se glisser dans la main de Callie, aucune pression ne vient la saluer, rien du tout ; pire encore, la grimace accompagne le corps stoïque, comme si elle n'avait pas assez compris, qu'il préfèrerait crever que d'agiter les doigts face à lui, que de la considérer comme une égale, ça, jamais.
La main attend encore un peu, quoiqu'elle sait qu'elle pourrait insister, il ne la serrerait jamais, et finalement elle rejoint le long du corps, les épaules se haussent, comme pour dire tant pis , mais tant pis quoi ? T'abuses un peu... Maman et papa t'ont éduqué, tout de même ? Silence. Peut-être pas, finalement. Papa ne t'a pas éduqué, toi. Je me contenterai d'un petit sourire, alors.

Ça non plus, elle ne l'aura pas Callie, et ça non plus, elle ne l'attend pas vraiment.
Elle sourit, malgré tout. Scrute le visage, se demande d'où lui vient toute l'antipathie qui habille le regard.

Silence.
Le menton de Callie se lève et s'abaisse. Elle écoute, assimile les mots, les comprends, et les lèvres sourient vers le bas, comme si elle devait bien admettre que oui, peut-être, c'est vrai, c'est possible, elle ne serait pas venue,
peut-être, c'est vrai, c'est possible, il y a sans doute quelque chose qu'elle veut récupérer, quelque chose qu'elle attend, une main tendue, un sourire ?
Pourquoi pas ? Je n'habite pas très loin... Le chemin n'avait rien de long, rien de redondant ; bien sûr qu'elle serait venue jusqu'ici. Je suis occupée, la journée, tu sais. C'est le seul moment que je peux t'accorder... Silence. Callie réfléchit. Mais tu travailles la nuit, non ? Pourquoi je serais venue en plein jour ?

Question sincère, parce que Callie avoue ne même pas vraiment savoir, qu'elle l'imaginait s'éveiller la nuit comme les mauvais rêves, disparaître lorsque le soleil se lève, que la lumière dissipe les ombre et les cauchemars,
parce qu'en regardant les cheveux noirs qui tombent sur le front,
non, les mauvais rêves ne baignent pas sous le soleil.

Fumée âcre qui se dissipe dans l'air, qu'il voudrait voir noyer les poumons de la blonde,
fumée âcre qu'elle n'a jamais inspiré, pourtant elle tend la main, c'est qu'on ne verrait pas Callie ne pas jouer. Trop gentil. , si les mauvais rêves pouvaient être sympas, peut-être. C'est à toi de me le dire, ça. Je vais t'avouer, je suis venue parce que je m'ennuyais. Sommeil qui ne vient pas, elle ne dira pas pourquoi, mais il sait, elle sait, ils savent, faut-il vraiment le dire, qu'elle ne s'ennuyait pas vraiment ? Tu verras, encore dix minutes avec moi et tu seras fou amoureux. Silence. Rire. Comme si c'était drôle.
La silhouette se glisse à côté de la sienne, un peu plus à l'abri, là où elle peut regarder la pluie noyer le macadam. D'ailleurs, c'est quand même toi qui m'a invité... C'est bien que tu veux quelque chose de moi ?
 

Ça paraît un peu irréel, d'un coup,
la pluie, les éclairs, les regards qui ne se croisent qu'à peine, les mots qui ne s'écoutent pas, se perdent sûrement dans le bruit de l'averse. Callie n'est même plus vraiment certaine des raisons qui l'ont poussé à venir. Ça lui paraît tellement futile, tellement idiot qu'elle y réfléchit à nouveau,
ça n'a pas de sens, mais elle ne peut plus rebrousser chemin maintenant, alors les yeux restent sur lui, les sourcils s'agitent sous la surprise - si elle était si sensée que ça, est-ce qu'elle aurait donné un quelconque crédit aux dires hasardeux et somme toute peu importants de quelqu'un qu'elle ne connaissait même pas, qu'on n'écouterait peut-être même pas plus que ça, finalement ? J'ai vraiment l'air si stupide que ça ? Elle aimerait mieux qu'il ne réponde pas ; ça n'aura rien de clément.
Simplette, un peu naïve, sûrement,
tu ne t'es jamais trouvée vraiment bête, toi, pourtant.

Plus bête que lui, en tout cas, c'est certain,
si tu étais plus intelligente, il ne pourrait pas jouer avec ton cerveau de la sorte, l'embrouiller tant que tu dois serrer les lèvres pour réfléchir, assimiler les mots, éviter les pièges qu'il pose entre les syllabes, fixer tes pieds parce qu'à tout moment le sien se lèvera pour te faire basculer,
et pourquoi, d'ailleurs ?
Make you, ça sert à rien. Ça viendra tout seul. Ça vient déjà. Rires. Silence. Je suis certaine que c'était qu'une excuse, tes histoires bidons. Tu voulais me parler, c'est tout. Ce serait bien, si c'était aussi simple, aussi enfantin. La silhouette de la blonde pivote un peu pour ne plus avoir à détourner le visage pour voir le profil parfois balafré par les éclairs occasionnels.
Les mots défilent, parfois entrecoupés par le tonnerre,
Callie fait attention aux endroits où elle pose ses pieds, redoute chaque nouveau pas, parce qu'elle sait le terrain miné, parce qu'elle sait qu'il l'attend au tournant,
elle écoute, attentive, réfléchit,
il bluffe, c'est certain, elle le sait,
mais pourquoi ?
Me dis pas que t'es si vieux jeu, quand même... Rire à nouveau, comme si elle pouvait balayer l'anxiété. On est en 2022, tout de même, c'est commun, ce genre de choses, tu sais, les femmes qui font ce qu'elles veulent, tout ça... Les dents se plantent dans la lèvre inférieure. Si je montais me défendre, ça ferait de moi une coupable. Les mains enchaînées, la tête baissée, honteuse, mais honteuse de quoi ? Ce serait dommage si... Vraiment, ce serait dommage. Mais tu les as pas. Sourire. Et vraiment, est-ce que c'est si grave ?

Les bras s'ouvrent, les épaules se haussent, les yeux s'arrondissent,
si c'était pas si grave, est-ce que tu serais là, toi ? Du coup, tu peux me dire ce que tu veux vraiment... Callie baisse les yeux sur la cigarette entre ses doigts, incertaine de ce qu'elle doit en faire. Le goudron dans les poumons ne l'intéresse pas, elle a déjà assez de mal à respirer d'ordinaire. Parce que je doute que tu t'ennuies au point de me faire croire que t'as mes tétés en photo dans ton téléphone.