Nouveau psy pour une nouvelle vie - avec Zhen

Les yeux rivés sur la devanture du cabinet, Tihani soupire lascivement. Avait-elle eu raison de prendre rendez-vous avec un professionnel ? Là encore elle hésitait à prendre position. Pas le temps de songer un peu plus que  les vibrations de son téléphone lui provoque un sursaut à l’en décrocher du sol. Un autre soupir lui échappe. « Whaea » qu’il est inscrit sur son téléphone, à croire qu’un sixième œil lui faisait détecter les mauvaises ondes de sa fille. Être mère pouvait être effrayant par moments.

-Je crois que je vais me dérober tout compte fait intime-t-elle à sa matriarche, cherchant dans ses mots son approbation

« Va t’acheter une glace et retourne y. »

Elle aurait dû s’y attendre. Il y avait peu de chance que cette bonne femme adhère à son avis puisqu’elle en était l’instigatrice. Il faut dire que depuis le temps, le stress était comme palpable chaque fois que son grand bébé franchissait le seuil du foyer. Plutôt que de mourir de nervosité, il valait mieux qu’elle souffre chez un psy pour un temps déterminé. Sa voix était sèche, ne laissant pas une autre protestation retentir dans l’air. Elle irait un point c’est tout. Que dire pour aller à l’encontre des paroles d’une cheffe naturelle ?

Maugréant de mécontentement, Tihani raccroche après avoir quand même embrassé sa mère à travers le téléphone. Ce soir elle la bouderait et ne l’appellerait pas. Elle attendrait sagement, les bras croisés, que celle-ci par inquiétude compose le numéro de la chair de sa chair. Se faire désirer était une solution à envisager après un tel affront. Rangeant son téléphone, elle entreprit le chemin du glacier. Il lui restait encore du temps avant que son rendez-vous ne débute. Prenant une glace à la pistache, elle se hâta de la dévorer. La nervosité la rendant affamée. Se chuchotant quelques mantras, le calme la gagne puis l’engouement se joint à la fête. Ce qu’il y avait de particulièrement bon chez elle c’était son optimiste facile à appâter, ses coups de moues ne durant jamais très longtemps après s’être conditionnée. Après quoi, elle reprit le chemin du cabinet du psychologue certifié.

Se secouant comme un chien mouillé devant la porte de la bâtisse, elle  y entre, s’annonce et part s’installer. Ses yeux ne pouvant s’empêcher de zieuter les autres infortunés. Ils étaient peu mais à en croire leur tête, elle était la plus chanceuse. Le temps passe, les patients s’en vont, franchit des niveaux sur son jeu mobile jusqu’à entendre son nom. Ses yeux se lèvent tout comme son derrière. Elle s’époussète et arbore un sourire radieux.

-Ah c’est moi ! Bonjour.

Suivant l'oreille rémunérée, elle entre dans la pièce et commence à s’installer.

-J’espère que vous avez des mouchoirs à proximité de vous, si je pleure ou je ris mon nez à tendance à couler.  Puisque c’est très séduisant, j’aimerais ne pas vous charmer  Dit-elle dans le plus grand calmes, secrètement amusée.

]Quelle classe cette demoiselle !

Pour une première impression, le psychologue lui semblait fiable. Pas l’ombre d’un rictus, une attitude chaleureuse mettant en confiance et un bureau pour le moins, très…Vivant. Par le biais de Google, Tihani avait appris que l’enseigne regorgeait de plantes et de fleurs avec l’intime conviction qu’elle permettrait à ses employés d’être productifs. Ce cher psychologue avait l’air de partager leur avis.  Il valait mieux que cela que les tableaux à la limite de l’étrange que l’on trouvait chez beaucoup de psychologues, notamment chez les freudiens qu’elle n’appréciait pas pour cela. Il lui semblait qu’ils avaient tous un grain. « Voyez qui ils étudient aussi » se disait-elle sans cesse, accompagné d’un léger rictus qui en disait long.

Par habitude, son regard se promena longuement sur son interlocuteur, ou plutôt l'oreille professionnelle. Bien qu’au départ, elle ne sache à quoi s’attendre, la pression retomba petit à petit à force de l’écouter et de ne déceler chez lui nulle once d’un quelconque manque de professionnalité, ne loupant pas la moindre petite chose que celui-ci lui laissait percevoir. Après tout, c’était la première fois qu’elle avait affaire à lui et même si sa mère était toujours de bon conseil, on apprenait avec la vie qu’il fallait se faire sa propre opinion. Les charlatans n’étant pas si rares que cela. Acquiesçant pour lui faire comprendre qu’elle comprenait ses dires, elle se tut jusqu’à ce qu’elle puisse à son tour parler
Finalement, elle toussa un peu pour se dégager la voix, poing devant la bouche, puis entrouvrit celle-ci après s’être redressé.

-Chose positive, je n’ai pas de question pour le moment et je souhaite bien commencer.

Réfléchissant à ce qu’elle pourrait dire et comment le faire, elle obtint pour la simplicité et un simple sourire.

-Alors avant tout je vais également me présenter à nouveau, mon nom est Tihani HaeHae et je suis sage-femme depuis un temps maintenant. Aussi étrange que cela puisse paraître, je dirais que tout va pour le mieux dans ma vie. Ou du moins devraient. Mon salaire est conséquent, ma famille est une idylle, mes connaissances sont chaleureuses. Tout  devrait être au top, de ce fait. Et pourtant, ça fait quelque temps maintenant que je me sens comme incomplète. J’ai comme un sentiment de vide et je ne puis mettre de mots sur sa provenance. Enfin, je me doute bien que mon quotidien routinier puisse jouer un rôle là-dedans mais…

Jouant de ses doigts, un soupir désespéré lui échappe.

-Très honnêtement tout cela reste confus. Et le problème c’est qu’à force de ne pas me comprendre, cela empiète sur mes relations sociales, notamment familiale. J’inquiète mes parents et j’empire la chose en assurant que tout va pour le mieux. Je râle pour un rien et je cherche quelque chose sans que je sache réellement quoi.  Il n’y a pas plus grotesque que cela à mon âge et pourtant, j’ai comme l’impression qu’il y a un gros bazar qui s’accumule en moi et je mentirais si je disais ne pas avoir peur que cela ne perdure.

Bien embêtée par ses dires, Tihani passe la main dans ses cheveux, luttant contre l’envie de plonger une fois de plus dans ses pensées et se lancer dans une spéculation sans fin et dont l’inutilité serait notable, raison pour laquelle elle s’était finalement laissé convaincre par sa mère et avait pris rendez-vous avec cet homme avec lequel elle éprouvait un certain optimisme en plus du sien naturel. 

L’écoutant avec attention, Tihani apprécia le son de la voix du psychologue. Elle était douce et rassurante, se mêlant parfaitement au décor de la pièce qui lui donna un temps l’impression de se trouver à l’un de ces nombreux cours de yoga comme l’on en trouvait à tous les coins. Elle hochait la tête en tandis qu’il la félicitait, ce qui lui ôtât un poids en moins et lui procura un sentiment de soulagement. Bien qu’il l’eût prévenue qu’il ne serait pas forcément le psychologue qui lui irait, elle avait déjà l’intime conviction que ses services lui iraient assez pour ne pas aller consulter un autre professionnel. Alors, elle se contenta de hocher la tête lorsqu’il lui quémanda plus d’informations.

Alors, comme je l’avais spécifié, je suis une sage-femme et mon rôle est de suivre la grossesse d’une femme enceinte en veillant au bon déroulement de sa grossesse. En ce moment, je travaille dans une clinique spécialisée, la raison pour laquelle il m’arrive d’être sollicitée tard dans la nuit et d’avoir des horaires tout bonnement irrégulières.

Malgré ses dires, sa bouche s’étira en un sourire plein d’enthousiasme tandis que ses yeux s’éclairent un moment d’une lueur. Bien sûr, Tihani aimait son métier pour ses aléas et ses privilèges, alors, lorsqu’elle venait à en parler, il lui arrivait fréquemment de ressentir une bouffée de fierté sans qu’elle n’en frôle cependant les limites de l’arrogance. Juste assez intense pour lui procurer une joie authentique.

De ce fait, je ne pense pas avoir de routine réelle si ce n’est que je me lève généralement très tôt, que je mange chaque matin et je pars au travail après avoir fait un peu de ménage et ma toilette. Selon l’heure à laquelle je rentre, je vois si je peux passer ou non la soirée avec des amis après quoi, je me détends devant la télé, après avoir fait ma toilette et je vais me coucher. Si on élimine les imprévus du métier. C’est à peu près ça ma routine.

Tout en racontant sa petite routine, Tihani l’observe noter en s’interrogeant sur son propre train-train quotidien. D’ordinaire, celle-ci le lui plaisait bien, quoique ces derniers temps, elle eût l’impression qu'il jouait un rôle dans ses tourments qu’elle espérait passagers.